ÉMANCIPATION


J’accélérais le pas. Les couloirs de l’université d’Angers avaient les murs droits et, rétrécissaient aux bouts, comme des meurtrières. Me rendre dans l’amphithéâtre. Je préférais les salles de classes. Les tableaux verts, sur les murs sales, me donnaient fort à faire. Je leur avais pourtant écrit de les effacer en partant. De mettre chacun sa chaise, sur sa table, avant de partir en weekend. Ils étaient insupportables. J’avais le sentiment d’être dans une citée interdite, ou chacun menaçait, de fondre dans un magma de tremblement de terre. La structure ressemblait à un paquebot derrière la Maine, vu de la rocade, en allant vers le château. Je soufflais la poussière depuis deux bonnes heures. Balayer la moquette était épuisant. Pas d’aspirateur. Racler les souillures des étudiants, avec mon balaie de sorcière. Je me haïssais de me voir seule au milieu de ce théâtre, ou l’unique projecteur était éteint. J’avais la sueur noire de vermines qui volaient dans mes « bourriers. » Je voyais le prof de tout là-haut ou j’étais, en maître de conférences sur la nécessité à montrer, que le monde à l’extérieur, serait un tremblement de stupeur. D’une magnitude sismique d’une force sur l’échelle de Richter d’eau moins 7. Plus haut, serait, bien sûr, une autre guerre mondiale, dans le paysage impérial. L’architecture s’ébranlait dans la méditation des plus studieux. Les autres semblaient dormir, comme dans un temple, qui ne souffrait d’aucune famine. Le trône, sur l’estrade, avait l’allure du radeau de la méduse. Le feu brûlait dans les arrêtes de toit, comme des chimères dragonnes. Les figurines ne dormaient jamais. Je faisais fondre les produits, pour astiquer ce qui pouvait l’être. Autant dire, rien. Je vidais les cendriers comme on vide huile des carters de vieilles bagnoles. Je balançais mon pagne de paille en priant merlin de venir m’aider. Les os broyés, je voyais mes vingt ans dévaler les marches, comme une avalanche. Je criais, pour écouter l’écho qui restait silencieux, dans mon ignorance. Je hurlais des chansons rock, dans la nuit qui tombait, comme des rideaux sur mes sceaux à serpillières où, l’eau sentait la misère de mon mariage, dans l’année de mes dix sept ans. Mon émancipation pour la liberté…
Christelle Bréjon
20 août 2022